L’AGNEAU ET LE LOUP
La raison du plus fort est parfois la moins sûre
En voici l’anecdote, sans ambages ni mesure.
Un agneau s’abreuvait au bord d’une rivière
Quand un loup en famine montra sa gueule austère.
Comment vile bestiole oses-tu salir mon eau
De ta patte cornue, de ton vilain museau ?
Vociféra le rosse, en se frottant la panse
Que nenni votre altesse, le chétif répondit
Voyez ma patte blanche, je ne suis point hardi…
Tu réponds, insolent, vitupéra l’ignoble
Quand ton troupeau bêlant souille mes doux vignobles !
Il me faut me venger, te voilà bien placé…
Mais si vous me mangez, reprit le malicieux
Moi qui suis maigrelet, agnelet gringalet
A vous voir efflanqué, facile à contenter
Le village tout entier vous viendra lapider…
Laissez-moi donc la vie, que je puisse témoigner
Vous avoir vu croquer deux lapins d’une bouchée…
A ces mots, notre loup, convaincu de la chose
Prit un air de vainqueur, chassa son air morose
Et s’en alla très fier, ou du moins en eut l’air.
Ventre tout étriqué, pestant contre son monde
Il mangea au souper un rat d’égout immonde…
Eleanor Gabriel
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